C'est un vieux principe de restaurateur averti:
"Quand un client entre chez toi, fais-en un Prince".

Je viens de vivre ce soir un de ces moments d'exception, presque à l'improviste.
Après avoir tenu ma permanence ce vendredi après-midi un peu plus bas dans le boulevard RISSO, à Nice-Est, je décide contre toute attente d'aller manger une pizza.
Une pizza ou autre chose, mais pas dans une cantine ou un self-service.
Je n'ai rien contre les cantines, et un self peut rendre bien des services, mais ce soir je suis fatigué.
Je refuse de rentrer pour manger un bol de riz froid ou une soupe en poudre.
On part à trois, et au lieu de prendre le chemin habituel - d'ailleurs bloqué par le Carnaval de Nice - nous partons vers l'inconnu: la face Nord de la République.
Pour dire les choses plus sobrement, ayant raté le tramway, au lieu de descendre vers la place GARIBALDI on remonte vers la place de l'Armée du Rhin.
L'endroit un soir d'hiver, même un vendredi, ressemble plus au désert des Tartares qu'à une plage d'Italie.
Alors, par acquis de conscience, et pour ne pas perdre la face (Nord), je propose de retourner pour descendre le boulevard RISSO.
Sans aucune volonté de polémiquer, je vous assure que la mort du palais Acropolis a fait des ravages dans le tissu "restaurateur" du quartier.
Mais une petite enseigne brille non loin vers le Sud avec ce mot magique:
"Libanais".
Ce n'est pas encore là qu'on va trouver une pizza, me dis-je "in petto" en pensant plutôt "in the Baba".
Effectivement, point de pizza / pasta / tiramitsu-kawa etc...
La salle est vide. Il y a juste le patron, qui nous reçoit tout de même avec un grand sourire en nous expliquant que "c'est plein"; tout est réservé.
Nous ne sommes que trois, et encore, un est juste là pour l'apéro.
Comme c'est un vrai libanais, on négocie pour diner au moins à deux.

Comme il connait son restaurant comme sa poche et son service par cœur, il nous trouve une petite table dans un coin.
Un client, c'est un client. Deux clients et demi, c'est mieux que rien.
Le cadre est chic, les radins vont pouvoir commencer à dire que ça va être cher.
En réalité, le menu de base est à une trentaine d'Euros par tête, et en vérité on finit le diner plus près de 45 Euros par tête que de 30.
L'apéritif, je ne saurai jamais combien il coûtait, vu que le patron nous l'a offert...
Le thé à la menthe et le café au final aussi, d'ailleurs.
Il faut dire que dès qu'il a posé la bougie de couleur sur la table, vu qu'elle était jaune tirant un peu sur le vert je lui ai demandé si c'était sa couleur préférée.
Cela ne pouvait pas être le cas, et je le savais rien qu'à sa tête et à quelques éléments de décoration. Le cèdre, en particulier.
Nous convenons rapidement que dans les couleurs le bleu ciel c'était bon pour le Futur, et qu'actuellement orange ce serait éventuellement peut-être mieux. C'est là qu'il me rappelle que son restaurant s'appelle le cèdre.
Je lui dis tout le bien que je pense d'un logo portant un cèdre.
A la réflexion, c'est peut-être bien là que j'ai marqué des points, et gagné l'apéritif... ;-)
Notre dialogue est incompréhensible pour mes camarades, qui n'ont jamais connu ou entrevu le Liban ni de près ni de loin.
Ils ont du nous prendre, le patron et moi, pour deux égyptologues japonais commentant des hiéroglyphes au Musée du Caire.
Nous on rigolait bien, car on connaissait les codes de couleur; qui avait un gendre et qui n'en avait pas; et qui était mort, et qui aurait mieux fait de rester en Iran ce jour-là; et qui n'a pas à aller aux obsèques d'un Chiite en étant Sunnite avec un aéroport international au nom de son regretté papa...
Vous n'êtes pas obligés de connaître la vie politique violente du Liban pour aller manger là.
Mais c'est vrai que ça double le plaisir du verre d'arak qui accompagne l'ouverture d'un repas avec mezzés froids et chauds.
Rien de tel qu'un petit roman à clefs improvisé avec l'apéritif.
D'autant plus que je me suis trouvé en plein accord avec le patron tant sur les sous-entendus politiques que sur l'économie, en souhaitant bonne chance aux nouveaux gouvernants.
Par courtoisie j'ai évidemment donné les clefs à la personne qui m'accompagnait pour comprendre cette conversation sympathique, dès que les premiers "vrais" clients sont arrivés.
Nous, nous étions les clients imprévus, reçus pourtant comme ses meilleurs clients.

Je dois l'avouer, arrivés presque par hasard, restés à deux au lieu de trois, nous avons été traités comme des Princes.
Je suis un très mauvais critique gastronomique.
Particulièrement sur la cuisine libanaise, je laisse avec respect le talent de Gordon COURTINE, dans la rubrique gastronomique de "L'Orient - Le Jour" surclasser mes modestes remarques. Je préfère vous le dire tout de suite.

Pour moi, c'est léger, c'est fin, digeste et délicieux. Une cuisine d'orient simple et aérienne jusque dans le choix des grillades.

Je ne sais pas si je dois vous parler des desserts, ou alors juste d'un seul.
Celui du chef, celui qui fait la signature de Jean HAIDAR: "La brise du cèdre".

C'est à manger, il faut vous le dire, chaque cylindre en une seule fois, pour apprécier toutes les saveurs de ce dessert d'un coup. Il vaut le déplacement.
J'ai essayé de dire à Jean HAIDAR, cet homme arrivé avec un visa touristique de 20 jours en France, qui a si bien réussi son parcours professionnel, que je ne connaissais presque rien du Liban.
J'ai aussi essayé de lui expliquer qu'au départ on venait pour boire un verre et manger une pizza. J'ai vaguement l'impression qu'il ne m'a pas cru.
Peut-être parce que je suis abonné au quotidien "L'Orient - Le Jour" où, parfois, je glisse quelques lignes de commentaires politico-militaires.
Peut-être parce que le vendredi 7 février 2025 "L'Orient - Le Jour" sous la plume de Céline MARCHAND lui a consacré un si bel article.

Après le dessert, en dégustant le thé à la menthe agrémenté de pignons de pin et d'une pointe de fleur d'oranger, il nous a montré cet article dont il peut légitimement être fier.
C'est un hôte fabuleux; attentif, cultivé, distingué, qui veille à la moindre de vos réactions.
C'est là que nous avons appris qu'il était entré au top 10, des 10 meilleures tables de France. C'est un grand chef.
Non vraiment on ne le savait pas. On venait pour un coup à boire et une pizza.
On a eu le coup à boire; c'était un verre de Saint Thomas, et de l'eau pétillante.
On n'a pas eu la pizza...
Mais je reviendrai. Pas pour la pizza, maintenant.
Tant pis si mon billet de blog de cette fin février est plus gustatif que polémique.
Tant pis si une semaine de mon budget alimentaire est passé dans ce repas.
Je ne regrette rien.
Veillez à vos sous.
Allez les dépenser chez une famille (de père en fils) qui vous offrira une soirée de haute qualité.
Une de celles qui me font repenser à "Watani"; cette si belle chanson de Tania KASSIS.
Bises aux dames, en particulier une qui fête son anniversaire en ce moment.
Salut aux messieurs, et plus précisément ceux qui savent toujours rester de bons camarades.
Didier CODANI
A Nice, ce vendredi 28 février 2025, pas loin de minuit.
P.S.: J'ai repris les images du site internet https://www.restaurantlecedre-nice.fr
Téléphone 0493267650 si vous voulez vérifier vous-même ce que je raconte...
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