Je ne regrette rien
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Commenter un livre écrit par un homme politique - avec ou sans assistance extérieure - est toujours un exercice particulier.
"Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur."
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1733 - 1799).

Le commentaire est bon ? Vous devenez un "fayot", un partisan flagorneur, voire un "vendu."
A la solde de l'auteur, ou de ses amis politiques.
Le commentaire est mauvais ? Vous devenez un ignare, un partisan incompétent, un "idiot."
Une seule chose ne change pas en ce cas : Vous resterez un "vendu".
Mais cette fois, à la solde des ennemis politiques de l'auteur.
Eric CIOTTI débute son livre par une célèbre citation de Georges CLEMENCEAU :
"Il faut savoir ce que l'on veut..."
Excellent choix.
Mais je me méfie des citations. Ce qu'un grand auteur a dit, un autre peut le contredire.
GOETHE, par exemple pourrait y répondre :
"Il ne s'agit pas de savoir, il faut aussi appliquer. Il ne suffit pas de vouloir, il faut aussi agir."
L'auteur n'abuse pas des citations. Il applique assez ce principe qu'Edmond ROSTAND offre à Cyrano de Bergerac : "N'écrire jamais rien qui de soi ne sortit."
Encore une citation, mais le commentateur d'un ouvrage est condamné à en user.
Pour alléger le propos, je vous offre en fin de ce billet ma vingtaine de notes de lecture.
Les mots d'Eric CIOTTI que j'ai relevés, en première lecture de son livre ; car c'est un livre que l'on peut relire. C'est un peu comme "Astérix" on en apprend toujours en relecture.

Le titre évoque Charles DUMONT et bien entendu Edith PIAF. Et aussi certains qui l'ont chanté, en Algérie, au début des années 60 : "Je ne regrette rien". C'est un titre fort.
Vous ne retrouverez pas vraiment ce sous-entendu dans le livre d'Eric CIOTTI, même s'il y a quelque part dans le titre un peu du chapitre 11 de Sun Tzu (544 - 496 Avant JC) dans "l'art de la guerre" :
"Il pénètre profondément à l’intérieur du territoire ennemi et appuie sur la détente. Il brûle ses vaisseaux et casse ses marmites. […]"
Eric CIOTTI ne brûle pas ses vaisseaux, mais il a franchi le Rubicon.
Le général de Gaulle, qu'il cite au fil des pages, aurait pu dire "à quoi est-ce que ça rime ?"
C'est assez clair, c'est une "brèche ouverte dans la citadelle du politiquement correct"; mais l'auteur ne va pas passer son temps à s'en justifier.
Ce livre est plutôt un roman d'aventure politique dont nous connaissons tous les personnages et les grandes étapes publiques.
Ce qu'il nous apporte, ce n'est pas une Xe version, mais plutôt le dessous de quelques cartes. C'est un roman à clef dont l'auteur nous donne quelques clefs, mais pas toutes...
Il plante le décor, après la seconde guerre mondiale, et très vite il donne ses convictions, et les grandes figures qu'il a pu rencontrer, avec leurs défauts et leurs qualités.
Bien sûr, les défauts sont particulièrement bien décrits pour les adversaires, mais les amis politiques ne sont pas épargnés, vous verrez.
En revanche, il écrit toujours en reconnaissant les qualités, même celles des adversaires.
Globalement, il vaut mieux tout de même être dans le camp des amis.
On s'y fait panser; et moins étriller que dans l'écurie d'en face.
Soutien appuyé aux grandes figures, comme à d'autres moins connues du grand public.
Dans les grands, les plus incontestables comme Philippe SEGUIN (Cf. note de lecture 7 page 105) ou les plus controversés comme Charles PASQUA.
Je n'insiste pas sur Charles PASQUA, ayant eu un oncle qui l'a connu dans sa jeunesse à Grasse et qui finalement m'a transmis un peu de cette profonde, inaltérable sympathie qui le reliait à "Charles", à l'époque jeune résistant. Au péril de sa vie, l'air de rien.
C'est ce qui fait que sur ce passage-là j'ai bien le sentiment qu'Eric CIOTTI reporte la vérité.
Comme pour "la roulette belge" (ce qui n'est pas gentil pour les Belges) du revolver au barillet plein (Cf. note de lecture 9 page 125).
Peut-être aussi (car au fil des ans j'ai recoupé) sur un grand président de la République comme Jacques CHIRAC élu à droite mais naviguant à gauche. Tout le monde savait et beaucoup ont fait pareil. Mais sans oublier le "non" de 2003 à la guerre en Irak.
Cela, je l'ai vécu au loin, projeté dans les Balkans, et je confirme : il fallait savoir dire "non".
L'évocation historique du demi-siècle écoulé nous sert de fil rouge tout au long de l'ouvrage. On vogue au fil des espoirs; de trahisons en félonies et de grandeur en servitude.
Non pas en façade des ministères, mais dans les arrière-cours ; plus souvent dans les cuisines que dans les grands salons.
Vous vous en doutiez sans doute. "La politique c'est comme l'andouillette..." disait Edouard HERRIOT (1872-1957). Les andouillettes on les sent passer au fil des pages.
Les flèches acérées aussi. Elles passent et elles plantent.
Il y en a un qui a particulièrement éCopé dans l'exercice.
Il ne l'a peut-être pas volé, sur ce coup... On récolte les mots et les maux que l'on a semé.
Avec de temps en temps une belle figure de la Côte d'Azur qui surgit.
Bien sûr, Christian ESTROSI a droit à quelques coups de louche au passage, mais finalement pas tant que cela. Et puis, s'il n'y avait pas quelques piques, cela nous aurait paru... louche !
Le préfet Hughes MOUTOUH "un homme précis, rigoureux, concentré" est aussi là, le temps d'un mot aimable.
D'autres sont oubliés, mais c'est un livre, pas une encyclopédie politique de la Côte d'Azur.
J'y vois passer au loin un parent, ancien de la promotion Averroès à l'ENA, en 2000.
En Afrique du Nord avant 1962 sa branche de la famille c'était "ceux d'Alger".
Il a très bien réussi. Pas de flèche, pas de pique, juste une épingle bien tirée du jeu.
J'y retrouve aussi... un curé. Curé de choc ou de feu, peut-être les deux ; qui sait redonner vie et foi aux paroisses les plus difficiles. J'étais avec ce curé, dans sa paroisse de Nice-Est.

"Une église, cinq mosquées" comme son prédécesseur l'a dit au précédent évêque de Nice.
C'est L'Ariane...
Faire descendre les langues de feu de la Pentecôte y est bien difficile de nos jours. Il le fait.

Samedi dernier, l'après-midi, il a effectivement rempli l'église avec des airs d'opéra fabuleux.
Curé hors normes, il ne fait pas - à ma connaissance - de politique. Ce n'est pas Don Camillo. En revanche les quartiers populaires c'est un peu son pain quotidien.
Là encore, je veux bien croire Eric CIOTTI quand il en parle: C'est le père Gil FLORINI.
Ce livre d'aventure politique et de dessous de quelques cartes se termine avec, comme il se doit, une profession de foi et l'amorce d'un projet politique.
Un projet qui ne soit plus "autocensuré" par une morale politique qui n'en est pas une.
Il ne proclame pas une candidature, mais il vous laisse la deviner ; l'espérer.
J'ai bien aimé le ton, les formules, les mots d'esprit. Je ne me suis pas ennuyé en le lisant.
Il y a bien des choses vraies, et aussi des points sur lesquelles je vois l'ayant vécu que la lumière de la lampe est orientée "pro domo".
Et alors ?
C'est écrit par Eric CIOTTI, pas par Saint Pierre.
La vérité politique est une chose complexe; et les voies du Seigneur, dit-on, sont parfois impénétrables.
MACHIAVEL expliquait bien dans "Le Prince" comment les Princes doivent tenir leur parole.
Il faut le prendre pour ce que c'est, pour qui il est, et savoir apprécier.
Relire au moins une fois.
Déguster les formules, noter les grands et beaux principes, sans oublier le patriotisme car il y en a un peu, et je ne crois pas qu'il soit feint.
Des sujets graves comme la Lybie ne sont pas exclus, même si ils ne peuvent pas être traités au fond. J'étais en Afrique, dans le Sud Saharien à l'époque; et moi aussi je ne peux rien vous en dire de trop. Sauf sur les conséquences dévastatrices que j'ai vues de mes yeux.
Eric CIOTTI se livre à un exercice peu facile qui l'oblige à dire des choses dont parfois il n'aurait pas envie, mais qu'il doit évoquer pour rester crédible.
Alors il nous retrace son parcours dans les récifs et les ressacs de la vie politique française, au plus près de la vérité qu'il connaît, et de celle qu'il approche.
Ce n'est pas du "storytelling", il ne raconte pas que son histoire, mais - et c'est là l'intérêt - un pan de la vraie vie politique, telle que lui il l'a vécue, en particulier les dix dernières années.
Il nous annonce un projet, une vision des choses qu'il veut plus proche des gens et du terrain que du high-tech et du centre-ville. Sans les blocages du demi-siècle écoulé.
Pour une vingtaine d'Euros ce livre est à lire.
Avant de me traiter de vendu, il vous faudra l'acheter.
Et puis le lire. Et le relire.
Bises aux dames, celle à qui je tente de le faire lire en premier,
Salut aux messieurs, ceux qui donnent des idées pour faire avancer notre pays en premier.
Didier CODANI
A Nice, écrit (finalisé) le temps d'une pause-déjeuner, ce 10 juin 2025
P.S.: Notes de lecture du livre "Je ne regrette rien" d'Eric CIOTTI paru en juin 2025 (Fayard) :
1/ "La reconnaissance populaire est la plus belle récompense en démocratie." Page 11.
2/ "La brèche que j'ai ouverte dans la citadelle du politiquement correct ne pourra plus jamais se refermer. Et pour tout cela, je ne regrette rien." Page 15.
3/ "Sa récente condamnation judiciaire, aussi violente qu'excessive, n'ont en rien entamé sa détermination." Page 45.
4/ "Car la seule aspiration légitime dans notre démocratie gaullienne réside dans le peuple, pas dans les appareils, les postes et les places." Page 53.
5/ "Je ne crois pas me souvenir d'avoir manqué aucune des commémorations du 11-Novembre, du 8-Mai, et du 14-juillet." Page 70.
6/ "Cette volonté farouche de donner leur chance à tous ceux qui sont prêts à fournir les efforts pour transformer leur destin a toujours été l'un des fils directeurs de ma vision de la politique." Page 76.
7/ "Il disait "non" quand il fallait dire "non", seul contre tous le cas échéant, par fidélité à la souveraineté et à l'intérêt national. Il aurait dû aller plus haut, mais la politique, parfois, préfère les dociles aux audacieux." Page 105.
8/ "Le "non" à la guerre en Irak restera une page d'honneur de l'histoire de France." Page 115.
9/ "La droite jouait à ce que Charles Pasqua appelait "la roulette belge", celle avec le barillet plein." Page 125.
10/ "Hughes Moutouh - aujourd'hui secrétaire général du ministère de l'Intérieur - un homme précis, rigoureux, concentré." Page 145.
11/ "Voilà comment l'Outre-mer a servi - une fois encore - de variable d'ajustement politique." Page 157.
12/ "Sans compter la réintégration hasardeuse dans le commandement intégré de l'OTAN et l'opération militaire en Lybie, dont les répercussions géopolitiques et migratoires allaient s'avérer dévastatrices." Page 164.
13/ "L'Elysée avait constitué ce groupe animé par Marc-Philippe Daubresse et dont le pivot était le conseiller parlementaire de Nicolas Sarkozy, Olivier Biancarelli." Page 167.
14/ "Qui peut imaginer le général de Gaulle mis en examen ?" Ce n'était pas une simple formule d'estrade, c'était une flèche acérée." Page 212.
15/ " Je reste convaincu que, si ces hommes avaient eu une colonne vertébrale solide, nous aurions pu gagner." Page 222.
16/ " Quand le père Florini - un prêtre qui fait salle pleine dans les églises - mentionne ma présence lors de ses annonces, l'assemblée applaudit spontanément à tout rompre ! Je m'en souviendrai toute ma vie." Page 240.
17/ "Ceux qui nous dirigent vivent derrière des cordons de CRS et de communiqués de presse. Moi, je vis parmi les miens. Et c'est pour eux que je me bats." Page 250.
18/ "La "France périphérique" théorisée par le géographe Christophe Guilluy, beaucoup veulent en parler, mais peu de responsables politiques lui adressent la parole." Page 256.
19/ "Je suis plus que jamais convaincu que cet électrochoc doit être celui du bon sens, du réel et de l'action, pour moins d'impôts, moins de normes et moins de bureaucratie. Plus d'efficacité. Plus de proximité. Plus de liberté, mais aussi plus d'humain." Page 266.
20/ "Je dois tout à la France. Je dois tout à Nice. Je ne suis pas un homme venu d'ailleurs. Je suis un fils de cette terre, de cette ville, de ses quartiers populaires et de ses villages perchés." Page 279.
N.B.: J'ai avisé en face-à-face l'auteur, Eric CIOTTI, qui m'a amicalement dédicacé son livre la semaine dernière 30 mai 2025, que je lirai son livre et le commenterai par ce billet de blog.
Je veille à respecter la loi française relative à la courte citation.
Les conditions de la loi française sont simplement (art L122-5 CPI) :
« Lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : […]3º Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source :a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées. »
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