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Finir les restes est un art

Dans un pays où l'on tremble pour le moindre toussotement, se réunir - dans le respect de la réglementation sanitaire et sociale - devient un pari.

Nous avons pris ce pari.


Nous avons réuni une table de douze.

Treize, au "bistrot du curé" eut été prétentieux. Personne n'avait envie de finir crucifié.

Le curé lui-même ne pouvait venir, retenu par le "Commandeur des Croyants" de l'Ariane, à savoir Monseigneur l’Évêque de Nice, que nous saluons en passant.



Nous avons donc trouvé une façon de finir les restes dignement, qui nous convienne.

Car des restes (Cf. https://www.cdr.tf/post/le-retour-du-beaujolais ) il y en avait un peu.

L'idée était de veiller à un bon usage du met le plus fragile: le beurre truffé.

Mais comment?

Le mérite en revient à Hugo, qui en maître des cuisines et des économies culinaires a eu l'idée de base: Des pâtes fraîches (ce qui n'est pas cher) au beurre truffé.

On saupoudre de Parmesan, et le tour est joué.


Alors, effectivement, on a un peu triché sur les ingrédients.

Les pâtes fraîches, nous les avons achetées à l'économie, dans le voisinage; et le beurre Hugo l'avait déjà fait, il suffisait de le laisser s'imprégner une bonne semaine des copeaux de truffe qui y étaient soigneusement mélangés.

Pour le Parmesan, toutefois, pas question de prendre un sachet râpé de supermarché.

Il fallait relever le niveau.

Instruit par un ami de la présence d'un "Leclerc Bio et Italien" à proximité du stade Allianz-Riviera, j'y ai fait un saut pour trouver l'objet de notre désir: de l'affiné avec 24 mois d'âge.



Le projet a émergé naturellement.

Nous avons monté un groupe de râpe, chacun ou presque venant avec la sienne.


"Les râpeurs de l'Ariane" se sont donc retrouvés ce vendredi à pas loin de 13 heures autour de la table.


Après extermination de la charcuterie porcine résiduelle, il y a eu un essai de "Ceccina de Léon" ( en Espagne) qui sera à transformer un jour prochain.

C'est du bœuf séché, assez exceptionnel, qui a été découvert grâce à "Apéritiv" (notez ce nom) et que l'on fait trancher fin comme de la viande des Grisons (Suisse), de la Bressaola (Italie) ou de la Secca (d'Entrevaux). Il est apparu très vite que le dosage était insuffisant...



Fort heureusement, la ration de pâtes était assez généreuse pour deux services.

Il y a eu là un concerto de mandoline à Parmesan où chacun a joué de son mieux.



Le Parmesan râpé en boite ou en grosse salière, tout le monde connait.

Le bloc dans une main, la râpe dans l'autre, c'est assez différent; cela crée spontanément une animation, une chaleur supplémentaire dans le déjeuner.

On s'arrête, on ouvre un pot de Beaujolais, on déguste (sous contrôle d'un Huissier de Justesse, également convié) et on repart en cadence.



On choisit la grosseur du grain, lamelles ou pas... Et puis, râpé à l'instant même sur les pâtes fraîches encore chaudes (celle-là, je ne l'avait pas vue venir)... le goût est incomparable.



Il est resté de la place pour le fromage, les fromages, que les plus sagaces ont limité au minimum, ayant repéré l'emballage rouge et noir (couleurs de l'OGC Nice) où le pâtissier LAC avait logé son framboisier à la crème.


A Nice, on ne présente plus LAC, ce n'est plus la peine.

On sait.


Certes, ce n'était pas un reste...

Mais le maître des cuisines ayant une maitresse (de maison) il nous fallait bien faire un geste pour qu'elle supporte nos chants, nos blagues, nos commentaires sur la vie locale...

Bref, tout ce qui fait le charme d'une réunion majoritairement masculine.



Je m'empresse de dire que ce n'est pas faute d'avoir invité des dames. Il y en avait.

En fait, nous subissons encore et toujours l'implacable loi de la rumeur et de la réputation.


Je le dis, je le répète, l'Ariane à Nice n'est pas un coupe-gorge.

Enfin... Pas tout l'Ariane, et pas à n'importe quelle heure de la journée, et pas n'importe quand dans la semaine.

En outre il y a une vraie Police, un vrai commissariat, un casernement de CRS à proximité immédiate.

Mais nous le savons tous, Mark TWAIN l'a exprimé avant moi:

"La vérité a la vie dure, mais un mensonge bien raconté est immortel".


Alors nous subissons cette légende urbaine qui dure depuis (trop) longtemps.

Il est un peu difficile de vous faire venir, mesdames, à l'Ariane.

Notez-le, sachez qui vous invite et à quelle heure.

Ne vous bloquez pas sur le nom du quartier.



La semaine dernière nous avions une élue avec nous pour le Beaujolais.

Cette semaine, un ancien élu. Des amis, en vérité. Qui savent, et qui viennent sans hésiter.


Et puis franchement, le plus gros risque, c'était de reprendre une troisième part de framboisier...

Les orangettes au chocolat avec le Rhum arrangé, vous n'êtes pas obligées.

Le cigare non plus.


Voilà comment en 2021 on finit les restes d'un Beaujolais nouveau.

Avec un peu de pain, un peu de vin, quelques pâtes... et des gens sur qui compter.


Je vais conclure en vous disant que j'ai hésité à écrire ce billet.

J'ai hésité aussi, un instant, à y joindre des photos.

Toutes ces bonnes choses, dans un quartier si pauvre, fallait il en parler?


Je crois que oui.

Je n'ai que faire des "reconquêtes républicaines" qui durent le temps de déployer 4 cars de CRS autour d'un spot de drogue pour lire un discours martial, avant de disparaître au centre-ville pour des mois ou plus.

Ce que nous faisons là, dans un QPV, Quartier Prioritaire de la Politique de la Ville, ce n'est ni une "conquête", ni une "reconquête".

Nous sommes chez nous.


C'est en France. C'est à Nice. C'est sur la Côte d'Azur.

On y boit, on y rit, on y mange ce que l'on veut, comme on le veut. Sans ostentation.

Avec des élus ou anciens élus qui n'ont pas peur, et qui savent que la meilleure arme sur ce terrain c'est l'amitié, la convivialité et la charité bien ordonnée.


Car en "montant" ces repas, tout l'environnement y gagne.


On ne saurait administrer par des banquets, fussent-ils "républicains", c'est entendu.

Mais un quartier où l'on ne peut plus boire un coup entre amis, et rompre le pain de nos mains, est un quartier qui se meurt.

Un pain que l'on achète, que l'on consomme, et que bien souvent ensuite on donne à plus malheureux que soi, autour de soi.


Alors il y a les paillettes, le Beaujolais nouveau ou le Marc de Bourgogne, mais il y a aussi... un intérêt véritable pour un quartier entier.

Pas juste de ma part, moi dont c'est le métier de le parcourir toute la semaine, mais de la part de ceux qui y habitent à l'année, et de la part de celles et ceux qui font l'effort d'y venir pour s'associer au partage de notre humanité.


Vous ne pensiez pas que j'allais conclure ainsi?

Moi non plus.

Mais à quoi sert un banquet si ce n'est d'abord à partager?


Liberté - Egalité - Fraternité.

N'oublions pas le dernier mot:

La fraternité n'est pas une option de notre République.

Elle en est le ciment.


Merci à celles et ceux qui sont venu(e)s. Merci à celles et ceux qui n'ont pas pu.

Merci à Hugo, et au père Patrick, curé de l'Ariane.

Merci a vous qui lisez jusqu'au bout.

A l'an prochain, si Dieu veut.


Bises aux dames, salut aux messieurs,


Didier CODANI



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