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Prison de Fresnes avec karting

Prison de Fresnes en plein été.

Organisation de jeux pour les détenus.

Comme en colonie de vacances.


La petite image que j'ai prise sur Twitter pour illustrer est un bel exemple de cet "humour gaulois" qui ne s'utilise jamais aussi bien que pour enfoncer une porte ouverte.


Des associations ont présenté un projet complet et contre toute attente, et contre les réticences des gardiens de prison, ce projet a été vu favorablement par le directeur de la prison.

Il a même obtenu - sous surveillance - que l'Administration Pénitentiaire communique sur la mise en œuvre concrète du projet.


J’ai une pensée pour ce directeur de prison que la grande presse et au moins un syndicat de gardiens de prison essaient de clouer au pilori ; en sachant d’ailleurs qu’ils n’y arriveront probablement pas.

Une pensée avec beaucoup de sympathie, car il a eu le courage de faire remonter un projet.

Un projet complexe et risqué, pas juste une course de kart.

Un projet ambitieux, sur lequel il a certainement fait face à de multiples oppositions, puisque c'est remonté très haut, jusqu'au cabinet du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice.

Et il a gagné, il a obtenu l'accord.

Et là, tout s'écroule!


Mauvaise réaction du public, pour ne pas dire mauvaise réaction des médias et de quelques syndicats qui ont trouvé-là une occasion en or de faire jaser.

« Magnifique » réaction du ministre, qui a "oublié" soi-disant de consulter son propre cabinet et qui retourne sans hésiter sa robe, ou sa veste, ou les deux peut-être... et qui "lâche" ses subordonnés lâchement, en ordonnant - cerise sur le gâteau - une enquête.


L'enquête sera vite faite, puisque c'est le cabinet du même ministre qui a tout validé, les formes et la voie hiérarchique ayant été respectées.


La presse hurle avec les loups, et les politiciens se déchainent pour surenchérir dans l'absence d'actualité estivale. Les jeux du cirque cette fois, mais en version numérique sur internet.


Je ne connais pas ce directeur de prison à titre personnel.

D'ailleurs ce n'est pas lui qui est à l'origine du projet, c'est une association (trois associations, même) qui l'a proposé, et il l'a simplement soutenu car le dossier lui paraissait bon.

L’idée directrice était :

"La voie de la réinsertion passe par le travail en prison. Mais nous avons aussi un devoir : de ne pas les mettre de côté, et de ne surtout pas oublier qu’ils sont des humains"


Je voudrai juste dire bravo à ce directeur, à l'heure où une foule bien manipulée pourrait demander sa tête.

Bravo pour avoir tenu son rôle sans se prendre pour une sorte de nouveau juge.

Bravo pour avoir tenu bon et soutenu le dossier jusqu'au cabinet de son ministre.


Et maintenant?

L'enquête aura lieu et probablement (sous réserve de ce qu'on en saura) elle fera ressortir que le directeur n'a fait que faire remonter le projet par la voie hiérarchique.

Les trois associations avaient le droit de proposer le projet.

Le directeur de la prison avait le droit de faire remonter le projet.

Le cabinet du ministre a validé le projet.


Je ne suis ni devin ni enquêteur, mais je sais déjà que c'est entre chef de cabinet et directeur de cabinet qu'on va choisir le "fusible".

Car le ministre qui a lâchement tourné casaque ne sera - bien entendu - pas inquiété le moins du monde.

Le collaborateur désigné comme en ayant su le plus sur le dossier sera affecté ailleurs. Éventuellement, il sera reçu et "on" lui dira : "Désolé mon vieux".

La rentrée va arriver, et le bruit des cartables va faire oublier celui du karting dans la cour de la prison de Fresnes.


Ensuite ?

Ensuite tout projet dans une prison de France sera refusé jusqu’au moins la fin de l’année, voire la fin de l’année prochaine.

Voire plus tard encore, jusqu’à la prochaine émeute dans une prison.


Et alors ?

Alors je vais peut-être vous surprendre une seconde fois.

Je ne suis pas pour un projet de ce type en milieu carcéral. Je trouve que c’est trop cher payé.

Je suis pour des activités sportives, je suis pour des activités ludiques si nécessaire, mais pas pour un ensemble de jeux si complet.

Surtout en l’état structurel de cette prison-là, - Fresnes - à réhabiliter.


Une part des critiques est fondée :

Une prison n’est pas un centre de loisirs. Telle est ma conviction.


Mais attention… Je n’ai pas vu moi-même ce projet sur place. Je ne l’ai même pas lu, en fait.

Je parle sur ma seule conviction personnelle. A partir de ce que les médias en disent.


Maintenant, quand vous êtes chef ou directeur de quelque chose, et qu’en votre âme et conscience vous trouvez cela bon, et que vous validez quand vous pouvez, ou faites remonter quand vous n’avez pas ce pouvoir, vous prenez une responsabilité.

Vous êtes payé pour, d’ailleurs.


Quand votre chef ou directeur valide à son tour, il prend votre validation et votre responsabilité à son compte.

Et ainsi de suite, jusqu’au cabinet du Ministre.


Quand l’affaire est manipulée pour en faire le scandale d’été qui relancera la vente des journaux à la fin du mois d’août… Toute la chaîne hiérarchique de l’Administration Pénitentiaire se sent mal.

Mais le mal est fait.

Et le cabinet du Ministre, quoi qu’on en dise n’a pas pu « faire passer » un tel dossier sans que le Ministre lui-même ne l’ait vu.


Ce qui me désole n’est pas que ce dossier existe et ait été mis en pratique et médiatisé.

C’est un projet. Les associations ont le droit de présenter des projets, même pour des détenus.

Ce qui me désole, c’est la réponse hypocrite du Ministre.


J’avais un rêve.

Celui de voir le Ministre prendre la mesure du problème.

Celui d’entendre une réponse qui ne soit pas celle de la désertion.


J’ai rêvé un instant, d’entendre le Ministre parler ; dire qu’il était au courant – même de loin – de ce projet. Et que oui, son cabinet l’avait validé.

J’ai rêvé d’entendre le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, dire simplement que ses services, c’était lui qui en était totalement responsable.

J’ai rêvé qu’il s’adressait aux médias pour plaider ce dossier, pour expliquer son sens, et pourquoi l’administration dont il est le vrai chef, l’Administration Pénitentiaire, avait – et lui en premier – pris le risque de valider un tel projet, en détaillant sa pédagogie, son intérêt.


J’ai rêvé qu’au final il dirait qu’il soutenait tous ses agents. Qu’il en était solidaire.

Je l’ai rêvé à la barre de la Justice, face à la tempête des sarcasmes politiciens…

Je l’ai rêvé tenant bon, contre vents des patrons de presse et fourberies des syndicalistes.

J’ai rêvé qu’il aurait pu être l’Avocat de son administration.


Il aurait pu peser de tout son poids pour faire comprendre que l’on n’avance jamais en restant immobile, en refusant toute idée nouvelle, sans même essayer une seule fois…



J’ai rêvé.

Il n’est pas chef d’état-major des Armées. Il ne va pas démissionner.

Il ne va pas même prendre le risque.

Alors il demande une enquête… Dont le résultat le couvrira probablement de ridicule.

Mais en France, en 2022, le ridicule ne tue plus…


Affaire à suivre. Si on en reparle une fois passé le temps des vacances.


Bises aux dames, une en particulier à laquelle je prends toujours le temps d’écrire, même à la main.

Salut aux messieurs, en particulier à ceux qui ont le courage de tenter des innovations,

même quand c’est impopulaire dans les journaux et que ça agace les syndicats.


Didier CODANI


A Nice, ce dimanche 21 août 2022



Shadow on Concrete Wall
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