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Le Liban en toile de fond

La première question à se poser c'est toujours "où?"

Je ne vais pas vous faire un cours d'histoire ou de géographie du Liban.

Il y a des manuels et des atlas pour cela.

Au pire allez voir la page "Liban"sur Wikipédia.

Elle ne vous donnera que le dessus des cartes, mais elle vous le donnera assez complètement pour avoir une vue d'ensemble.



Dans ce vaste ensemble je ne fais qu'un point de situation à ce jour, en sachant qu'il évolue de façon constante, car depuis plus d'un an l'ébullition est constante.

La simple - et si sage - "carte des zones à éviter" qu'édite le Quai d'Orsay vous donne déjà une bonne idée de l'ambiance: Toutes les zones-frontières sont à éviter absolument, y compris les quartiers Sud / Sud-Est de Beyrouth et Saïda.



C'est la carte officielle à jour au 13 juin 2021. Même si elle a été créée en octobre 2019.

En gros, en rouge, c'est là où il faut envoyer les commandos-marine vous récupérer si vous décidez d'y passer votre voyage de noces comme touristes français... Autant éviter.


Le Liban était il n'y a pas si longtemps que ça considéré comme l'un des endroits les plus agréables à vivre au monde. Il l'est resté... pour les 1% de libanais qui détiennent 40% de la richesse totale du pays. Pour les autres, c'est de plus en plus plus difficile.


Il y a 197 états plus ou moins reconnus par l'ONU en ce bas-monde, et même un (Somaliland) qui n'est à ce jour reconnu par personne; et sur ces 197 pays l'ONU essaie de déterminer un indice de développement humain (IDH).

Aux dernières nouvelles (rapport 2020 du PNUD) le Liban était classé au rang 92 sur les 189 qui sont étudiés par ce rapport. Devant les îles Fidji et derrière l'Algérie. Ce qui est considéré comme un développement humain élevé.

La Norvège, assez régulièrement, est en première position, avec l'Irlande et la Suisse.

La France est 26e en 2020 (développement humain très élevé) et le 189e pays c'est le Niger.

Il y a des pays connus qui ne sont pas listés, comme la Corée du Nord et la Principauté de Monaco. Mais on se doute qu'ils ne doivent pas être 190e; c'est juste que l'on manque d'éléments de cotation.


En fait, le problème pour le Liban n'est pas d'être en plein milieu du classement mondial, c'est qu'il est en chute libre.

Sorti d'une occupation syrienne en 2005 (je ne vous relirai pas "l'accord" de Taëf de 1989) après des années de guerre civile (1975-1990) le Liban pouvait espérer remonter la pente.

En quelque sorte il l'a fait, mais avec une économie et une diplomatie restées extrêmement fragiles.

Le 4 août 2020, la destruction du port de Beyrouth par une des plus gigantesques explosions non-nucléaires du monde va brutalement précipiter bien des choses.



Du jour au lendemain plus de 200 morts (207), des milliers de blessés (6.500) et 300.000 sans-abris vont cristalliser une colère populaire sans précédent contre les institutions mêmes.

Une pétition, visant les 50.000 signatures, est lancée pour demander... Le retour du Protectorat Français! Elle réunira très vite plus de 60.000 signatures. Elle est stoppée.

C'est un symbole. Un symbole lourd, on y reviendra tranquillement.


Depuis, disons que l'enquête sur cet accident catastrophique est aussi claire et rapide que celle de l'incendie ayant partiellement détruit Notre-Dame de Paris.

Mais c'est une autre histoire.


L'importance des manifestations après la destruction du port de Beyrouth provoque des réactions internationales conséquentes. Le "système" politique libanais est ébranlé.

Le Liban ne peut faire face - seul - aux conséquences du désastre sur son économie.

Or la communauté internationale est assez lucide, dans le respect de la souveraineté du Liban, sur le fonctionnement du pays. Sa complexité nécessite des changements profonds.

Le président français, Emmanuel MACRON, en visite sur place, suscite un espoir d'intervention de la France. Espoir qui ne convient pas-du-tout à une partie de la classe (ou de la caste) politique libanaise.

Espoir qui pourrait se concrétiser, si des changements de structure sont réellement adoptés.

Changements de structure contre lesquels les politiciens professionnels les plus chevronnés (et dit-on à Beyrouth, les plus corrompus) sont fermement opposés, tout en restant discrets.


La tentation de s'abriter derrière les barrières confessionnelles pour conserver rang, titres, privilèges, et mettre la main sur l'aide humanitaire... est grande.


Les barrières confessionnelles, c'est une notion qui commence à devenir compréhensible en France.

Longtemps la France a cru que la laïcité avait toutes les vertus.

Certains y croient encore.

En réalité aucun système n'est parfait, mais celui du Liban est assez complexe pour que l'on essaie d'y perde la diplomatie internationale.


Une petite carte - toujours discutable, comme toutes les petites cartes - montre la complexité apparente. Celle avec laquelle on joue actuellement.


Je vous la laisse en grand format. Elle date un peu, mais à mon humble avis elle est claire. Ou du moins, elle éclaire.

A mon sens, et j'attends là quelques réponses amicales sur place dans la semaine qui vient, cette répartition confessionnelle unique peut apporter autant de solutions qu'il y a de problèmes.


Les problèmes ne sont pas petits, car au Liban les communautés ne se contentent pas de prier pour défendre leurs intérêts. Ces communautés sont armées.

Ce qui vous explique que l'armée Libanaise soit - après l'armée Israélienne - l'armée la plus subventionnée au monde par... les États-Unis d'Amérique du Nord.

Ceci vous explique que, la semaine prochaine, le premier volet de l'aide internationale française devrait être consacré à... l'armée Libanaise.

L'armée, et les forces de sécurité au Liban deviennent le pilier de l'aide internationale.


Car au quotidien, les libanais vivent un enfer.


Pas ou peu d'eau, pas de vaccins, pas de médicaments, peu de soins (peut-être arrêt des dialyses la semaine prochaine) pas de wifi, pas de pain (pour bien des jeunes le wifi passe avant le pain) pas moyen de récupérer ses dollars (pour ceux qui en ont encore) à la banque, pas d'électricité ou pas assez, pas ou très peu de carburant... et des politiciens qui "jouent la montre".

C'est de cet enfer, qu'un quotidien local a résumé en un dessin, que j'aimerai vous parler la semaine prochaine, entre autres choses, avec quelques retours d'information sans filtre.


Je ne vous écris que ce que je sais, directement ou indirectement.

Si vous voulez essayer de vérifier vous-mêmes, je vous en prie, faites-le.

Attention, la lecture de l'Arabe est un peu un impératif.

En 2021 il ne reste plus qu'un seul quotidien en langue française pour le Moyen-Orient:

J'y suis abonné, pour les soutenir. Ils le méritent.


Sinon vous pouvez toujours essayer le "Daily Star". A condition de parler Anglais.

Éventuellement "An-Nahar"(Le Jour); en Arabe, mais ils ont une version anglaise.


Je crois que ce petit tour d'horizon est inutile pour les Libanais qui me liront.

En revanche, il est un peu indispensable pour planter le décor de ce qui reste à écrire.


Il en reste pas mal, et cela s'écrit avec nos sous. Même si mes lignes sont gratuites.


Je ne juge pas les dépenses au profit du Liban comme somptuaires ou inutiles.

Je les vois comme une opportunité, pour la France, de rétablir une relation ancienne.

Je vois cette intervention comme une humanité sans condescendance à l'égard d'un peuple qui nous estime.

Dont nous partageons une des langues, la religion, et l'art de vivre.


Dont nous partageons l'humour, aussi.

Celui dont le philosophe Alain disait: "C'est la politesse du désespoir".


Bon dimanche, en France comme au Liban.

L'écriture continue.


Didier CODANI

Shadow on Concrete Wall
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