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L'avare de Didier VESCHI

Nous connaissons tous "l'avare" de Molière.

Mais connaissez-vous "l'avare" mis en scène par Didier VESCHI?

Je l'ai découvert il y a une dizaine de jours, au Théâtre de l'Eau Vive, 10 boulevard Carabacel à Nice.

En fait, c'était déjà complet, et c'est resté complet jusqu'à (peut-être) ce dimanche soir 17h00 encore. Battez-vous auprès de BilletRéduc pour avoir une place, c'est tout.


Une mise en scène qui respecte (presque) la pièce d'origine si vous avez de l'imagination.


Didier VESCHI est un grand psychologue (deux mètres de haut, sur un de large en exagérant à peine...), et il mène l'histoire de cette pièce des coulisses jusqu'à l'avant-scène.

Didier VESCHI avec Melcha CODER (Association pour le Rayonnement de l'Opéra de Nice) , face au public hier soir


C'est aussi un "aboyeur" hors pair, "chauffeur de salle" phénoménal.

Ce qui n'est pas sans peine quand la climatisation défaille avant les spectatrices.


La salle est petite, mais dès que vous y entrez il transforme votre arrivée en événement; il peut vous faire acclamer, applaudir. Vous devenez le prince ou la princesse de la soirée.

Quand en plus (comme Melcha CODER hier soir) vous êtes une vraie personnalité connue...

Là ce n'est plus de la flatterie, tant c'est gigantesque; cela devient de l'art.


Très modestement, moi j'étais simplement venu avec une des plus jolies femmes de la soirée (Si j'écris autre chose je suis mort, ayez pitié de moi... En plus c'est vrai), et j'étais suivi par une talentueuse danseuse de l'Opéra de Nice. Talentueuse, car outre la beauté elle avait de l'esprit. Coincé au milieu de la banquette entre mon amie et elle, le manque de place en raison d'une petite salle comble (50 places tout au plus) ne m'a finalement que peu affecté.


Moins affecté en tous cas que la manière dont est traitée par Didier VESCHI la première scène du premier acte.

A l'instant, il était votre hôte. L'instant d'après, tombant la veste, sa ravissante partenaire lui tombe dans les bras. C'est Élise, évidemment; et il est devenu Valère dans une séance de gymnastique en chambre chez Harpagon, qui décoiffe.

Vous ne le savez pas encore mais la pièce vient de débuter, avec une fluidité extraordinaire...


L'ensemble de la structuration classique de la pièce de Molière en 1668 est respecté.

Les rôles également.

Harpagon, interprété par Bernard GAIGNIER, reste égal à lui-même, même réactualisé dans cette version modernisée de l’œuvre. Mais toujours aussi radin, sinon plus encore en Euros.


Certes, il y a des répliques comme le: "Ce n'est pas Versailles ici" à propos de la lumière qu'Harpagon veut toujours éteindre (il économise sur tout) qui aurait valu à Molière une lettre de cachet à l'époque. Mais pour les puristes d'entre les puristes qui viendraient chercher querelle, il convient de se souvenir que Molière en personne avait avec "l'avare" lui-même adapté une pièce grecque de Plaute (254 - 154 avant Jésus-Christ) qui se nommait "La marmite".

Peut-on reprocher à Didier VESCHI et Bernard GAIGNIER ce que Molière lui-même avait commis en son temps? Je vous dis non. Assurément.


La trame est donc respectée, tout comme la truculente galerie de portraits qui entoure Harpagon, à commencer par Cléante (Marc CONCAS) qui fait vibrer la salle au son de son ukulélé à quelques reprises fameuses.

A noter que l'on doit à Marc CONCAS une "playlist des entractes" résolument moderne où Pink Floyd ("Money", évidemment) côtoie Téléphone ("Argent trop cher") et Abba ("Money", encore), entre autres.


Je serai franc: Bernard GAIGNIER écrase tout le monde. Il a le rôle-titre, c'est vrai et il est au sommet de son art.

Didier VESCHI lui fait une rude concurrence de qualité.

On le soupçonne un peu d'avoir ajouté à ses talents d'acteur ceux de metteur en scène pour s'assurer une partie non négligeable des moments érotico-comiques entre Élise et Valère.

Moments visibles par des enfants de moins de dix ans, soyez tous rassurés...


J'élève tout de même une vigoureuse protestation au nom du droit des spectateurs à apprécier cette actrice, dont les vocalises (en chambre) seraient digne d'une place à l'Opéra.

En dehors d'une présentation rapide au final de la pièce, on ne retrouve trace de son vrai patronyme nulle part sur l'affiche. Je me garderai bien de demander adresse et téléphone portable, mais au moins nom et prénom dans un coin de l'affiche.

Elle le mérite. Sincèrement. Vraiment. Mise à jour ce 22 mai 2023 en Post Sriptum.


Dans celles qui sont nommées (elles en ont, de la chance...) la prestation de Frédérique GREGOIRE-CONCAS en Frosine entremetteuse désappointée qui se paie sur place, n'a d'égale que celle de la belle et pauvre Marianne (Séverine MORAGLIA SEVERAC).



Je ne puis nommer tout le monde mais retenons avec son accent Napolitano-parisien et son panama le Seigneur Anselme (Philippe TESTORI) qui tient un double rôle marquant.

De valet en bonnet à chef de gang napolitain en costume croisé, c'est un grand écart.

Surtout dans la même pièce.


La troupe entière du "petit Théâtre des affranchis" brille de mille feux dans cette pièce revisitée, originale et pétillante comme du champagne.

Harpagon aurait dit "un bon crémant d'Alsace" pour faire quelques économies...


Ils sont beaux, ils sont bons; elles sont belles, elles sont...

Bref, le public ne s'y est pas trompé, et c'est complet tous les soirs; quasiment depuis le début de ce mois de mai 2023.

Presque toute la troupe du "petit Théâtre des affranchis", avec Fatima KHALDI, costume rose au centre


C'est ce qui me mène à vous dire et répéter que Fabienne COLSON mène le Théâtre de l'Eau Vive avec un talent qui ne se dément pas.

Il faut suivre la programmation de ce modeste et incontournable établissement, dont la tête de vache surplombe le n°10 du boulevard Carabacel à Nice (06000) depuis des années.


"L'avare" de Molière est vieux mais toujours vif.

Cette nouvelle version mise en scène ne retire rien à la gloire de l'ancienne dont elle garde l'esprit.

Quelques privilégiés (qui ont téléphoné au 04.93.27.10.49 pour réserver) le verront encore tout à l'heure à 17h00; et puis rideau.


Jusqu'à ce que "l'avare" revienne.

Car je le crois éternel, depuis plus de 2000 ans quand on repense à Plaute.


N.B. en aparté: Petite anecdote d'un dimanche matin à l'entrée d'une "supérette".

Un homme de plus d'une quarantaine d'années, barbu et sans moyens, même pas du Moyen-Orient, mais de la France profonde, celle qui est profondément à la rue.


Lavé, propre, pour ne pas faire peur aux gens; il me dit aimablement :

"Bonjour, je ne vous demande pas d'argent. Je n'ai rien à manger, alors si vous pouviez - en plus de vos achats - avoir un bout de pain pour moi à votre sortie, je vous en serai reconnaissant".

J'ai acheté le bout de pain en plus, avec un (petit) saucisson, et un peu de fromage.


Oui-oui, je sais-je sais, ce n'est pas bien d'entretenir "ces gens-là" dans la mendicité.

Oui-oui, je sais-je sais, c'est tous des fainéants qui ne travaillent pas et qui nous escroquent.

Mais je lui ai donné le pain, le saucisson (en promotion) et le fromage.


Je ne suis pas certain que les entreprises se bousculent pour embaucher un SDF de plus de 40 ans voire 50 (la rue use très vite les gens) et au moins avec le pain tranché il aura à manger pour quelques jours, en plus de "la soupe populaire" du "fourneau économique".


Oui-oui, je sais-je sais, je suis "un idiot qui gaspille son bon argent" dirait Harpagon.

Oui-oui, je sais-je sais, ce n'est pas ainsi que je ferai fortune pour ma retraite, qui sera petite.


Alors, en y repensant ce matin..."l'avare" de Molière ou de Didier VESCHI, il n'existe plus.

Mais il en existe d'autres qui baissent les yeux, tournent la tête et pressent le pas.

Ils ne font pas face à la misère de notre temps, ils la fuient, tel Harpagon fuyant Frosine.

Harpagon (Bernard GAIGNIER) retenu -vainement- par Frosine (Frédérique GREGOIRE-CONCAS)


Nous en faisons tous partie, de ces avares-là, à l'occasion. Avec un catalogue d'excuses et de prétextes qui vaut largement celui que Molière avait créé pour son personnage.


C'est pour cela qu'il faut aller voir "L'avare" de Molière comme la mise en scène de Didier VESCHI.

Parce que, quand on se lave le visage le matin, dans un coin du miroir, si nous regardons bien son reflet nous trouverons toujours le Seigneur Harpagon qui ricane...


Bises aux dames, celles qui m'accompagnent aux spectacles vivants en premier.

Salut aux messieurs, ceux qui pratiquent la charité en premier.


Allez au théâtre!

Aidez de vos deniers à faire vivre le spectacle vivant, ce miroir de notre âme.


Didier CODANI



A Nice, ce dimanche 21 mai 2023



Post Scriptum:

Le rôle d'Elise (fille du seigneur Harpagon, l'avare de la pièce) est joué par Vanessa VIDAL et "Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa" pour avoir perdu de vue son identité.

Ébloui comme Didier VESCHI par sa prestation; sans aucun doute.

Je l'ai retrouvée grâce à l'aide de Bernard GAIGNIER, que je remercie ici.

Elle a un talent fou, de la tête aux pieds.

Vanessa VIDAL

Je tenais vraiment à lui rendre hommage pour sa contribution à la pièce.



Shadow on Concrete Wall
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