Je préfère les baptêmes aux enterrements.
Vous aussi, sans doute; et pas juste à cause des dragées à croquer.
Mais la vie est ainsi faite que nous nous endormons tous (presque tous, disait mon père) dans l'espérance de la résurrection.
Parfois, comme je l'ai vécu l'an dernier avec l'amertume ou la colère d'un départ que l'on juge toujours trop tôt, trop injuste et trop brutal.
Parfois, et c'est ce que je souhaite à la famille que j'ai accompagnée un instant dans son deuil ce mercredi, dans la sérénité au terme d'une existence heureuse et bien remplie.
Quand on participe régulièrement à la vie associative, les cérémonies d'obsèques ne sont plus un événement si exceptionnel.
C'est une cérémonie, c'est un sacrement, c'est pour les proches toujours un déchirement; mais pour ceux qui y participent régulièrement, au fil des obsèques, c'est un rituel rassurant.
Pourquoi y aller?
Par intérêt? Généralement il n'y en a aucun, en tous cas aucun de financier.
Le principal gagnant des héritages c'est l’État. Quant aux proches parents, ce n'est pas en pleurant sur la tombe que vous changerez une ligne au testament, s'il y en a un en votre faveur.
Ce n'est pas post-mortem qu'il faut penser à vos parents, c'est de leur vivant.
En s'en occupant, en évitant le plus longtemps possible de "déléguer" à des étrangers fussent-ils de grands professionnels de la santé et de la fin de vie, l'honneur d'être là quand la vie s'en va et la lumière s'éteint.
Que votre gloire soit d'avoir tenu la main jusqu'au moment où l'âme s'envole.
Pour ceux qui se disent des amis, les vrais, les faux, les soi-disant proches, les plutôt lointains... les réactions sont fort variables suivant que vous connaissiez ou non la personne décédée; si c'est pour elle que vous allez réagir ou pour ses proches que vous connaissez.
Dans le cas présent, je pouvais me contenter du "minimum syndical".
La carte voire le SMS (plus moderne) avec les "sincères condoléances" qui n'ont de sincère que le mot "sincères" qui est écrit dessus.
Si vous êtes outre-mer, à 500 kilomètres ou plus, personne ne vous en voudra de vous limiter à cela.
Dans la même ville, la question se pose: "Y aller, ou pas"?
Car en plus, le défunt ou la défunte a parfois l'indélicatesse de claboter en plein milieu du boulot, ou en plein milieu des vacances, et surtout de se faire enterrer en plein milieu de la semaine.
Ceux qui lisent la Bible le soir avant de s'endormir ont été prévenus:
"Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l'heure"... (Matthieu, 25-13).
Les autres ne peuvent que faire face du mieux qu'ils peuvent.
Prévenu ou pas, signes avant-coureurs ou pas, que faire?
Le mieux à mon sens est autant que possible de toujours y aller.
Pour ceux dont c'est une obligation réglementaire, la question ne se pose pas.
Pour les proches parents, même fâchés, la question ne devrait même pas se poser.
La mort efface tout. Même les parties de cartes où l'on a triché.
Quoique, souvent, comme PAGNOL, - le merveilleux Marcel PAGNOL - le raconte dans cette seconde partie de cartes après la mort de Maître PANISSE, les parties de cartes avec ou sans triche deviennent souvent des souvenirs au rang des plus émouvants.
Alors même pour moi qui ne joue pas aux cartes, ou fort peu, juste assez pour laisser gagner les autres, il faut savoir prendre ce temps.
Oui, quand on a pas le temps, il faut savoir le prendre. Poser un congé.
Tant pis si nos vacances seront plus courtes, quand on va honorer un repos éternel.
On voit là, même si l'on est que le dernier des plus éloignés des parents, ou juste l'ami d'un parent, les vraies personnalités, les paroles sans fard; et sans chercher les larmes on y trouve souvent l'émotion de la sincérité.
C'est ce que moi j'y ai retrouvé.
J'y ai même retrouvé, aussi discret qu'efficace, celui que je crois être l'un des meilleurs - sinon le meilleur - dans les entrepreneurs de Pompes Funèbres qui exerce à Nice.
De tels hommes sont précieux, il faut bien les choisir, avec la tête aussi froide que le défunt. Car quand tout le monde se lamente et peine à suivre un simple mot d'ordre, ils préparent tout, ont de l'attention pour celles et ceux qui - oubliés dans un coin - n'ont personne qui leur parle.
Dans les coulisses, ils suivent l'horaire, veillent à le faire tenir par tous sans froisser personne, sans jamais un mot plus haut que l'autre.
Ils ne se font pas oublier, ils veillent à ne pas exister pour que tout existe au mieux.
Généralement les bonnes années et avec la famille des bons clients, ils ont droit à un mot de remerciements.
Il est vrai que le client principal est généralement peu causant.
Et puis on ne meurt qu'une fois, et quand c'est fait on n'y revient pas.
Étant pour cette fois dans les rangs de ces invisibles que seuls quelques membres de la famille connaissent; étant surtout bien moins frappé par le deuil que les proches parents j'ai pu observer moi aussi plus froidement que d'habitude.
Plus que dans le feu de l'action quand je suis là "officiellement" pour des camarades, à porter un coussin ou un portrait.
J'ai vu le travail de ces professionnels.
Qu'il me soit permis de les saluer en passant.
Le chef d'orchestre en particulier.
La fête permanente n'est pas une vie.
La mort fait partie de la vie.
Alors, sans ostentation, sans insistance, tenons-y notre place chacun à notre tour.
Jusqu'au jour où ce sera notre tour, et où sans plus rien dire nous verrons ça d'en haut.
Bises aux dames, salut aux messieurs, un en particulier qui aime l'eau de source.
Avec ou sans pastis.
Avec mes remerciements pour si bien travailler aux moments ou nul n'a le cœur à travailler.
Didier CODANI
A Nice, ce mercredi 3 août 2022 après-midi, en ressortant de l'Athanée
Commentaires