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Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent…

A 17 ans, j'avais un professeur de français qui nous faisait lire Victor HUGO.

Il nous disait que ça nous servirait.

A 17 ans, "Les Châtiments" je ne voyais pas trop à quoi cela me servirait...


La vie m'a appris à quoi tous ces professeurs de français dont j'ai croisé la route devaient servir.

Moi qui en ai trouvé beaucoup d'ennuyeux, j'ai su apprécier leur valeur au fil du temps.

En particulier celui de ma classe de première, celui du baccalauréat de français.


Ils ont servi, et celui-là en particulier, à donner des mots à ma vie et à mes idées.

Ils m'ont permis d'avoir de temps en temps, LE mot, LA phrase, qui renverse ou éclaire une situation.

Il m'ont permis de gagner... Bien des fois; en bien des débats.


Le peu d'esprit que j'ai, le fondement de mes minces qualités d'écriture, c'est eux.

Parfois "dans l'horreur d'une profonde nuit" comme Jean RACINE l'écrivit par la voix du "songe d'Athalie", ils sont la lumière qui m'éclaire, et je les en remercie.



Parfois, pour un ami, un vieux camarade, qui du fond de sa belle chambre de clinique blanche et grise débroussaille le bout de sa piste, afin de pouvoir décoller vers l'Orient éternel quand le vent de sa vie lui sera favorable... ils me rappellent un titre... puis tout le texte.


Ce soir, je vais être un peu fainéant; je vais faire écrire une large part de mon billet de blog par l'un des plus grands auteur de notre littérature française: Victor HUGO.


Je lui ai emprunté le titre, je vais vous offrir ses mots.

Ne serais-ce que pour saluer le travail des soignants.

Pas les grands professeurs, pas les mandarins, descendants d'Hippocrate, qui sont la gloire de la médecine.

Non.

Les obscurs, les sans-grade; de l'ambulancière à l'infirmier en passant par tous les aide-soignants et même les porteurs de plateaux-repas qui râlent quand on offre des fleurs à un malade en convalescence. Tout en ajoutant: "On n'est pas des policiers" et en laissant tout de même cette modeste marque de vie en place; même si: "C'est interdit, vous savez"...


Ces gens que l'on paie peu; ces gens que l'on a acclamé comme des héros il n'y a pas trois ans; ces gens que l'on a un peu oubliés; ces gens qui pour certains ont payé de leur emploi leur liberté de parole, et qu'il faudra bien réintégrer un jour après tout le bien qu'ils ont fait.

Après tout le mal qu'on leur à fait.


Je dédie ce soir à ces soignants; et à un patient dont je suis les efforts, patients, dans sa convalescence; ce texte intégral de Victor HUGO.


Il me restait en mémoire pour le jour où il serait plus pertinent que toute autre de mes pensées.

Ce jour est arrivé:


"Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont

Ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front,

Ceux qui d’un haut destin gravissent l’âpre cime,

Ceux qui marchent pensifs, épris d’un but sublime,

Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,

Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.

C’est le prophète saint prosterné devant l’arche,

C’est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche ;

Ceux dont le cœur est bon, ceux dont les jours sont pleins,

Ceux-là vivent, Seigneur ! les autres, je les plains.

Car de son vague ennui le néant les enivre,

Car le plus lourd fardeau, c’est d’exister sans vivre.

Inutiles, épars, ils traînent ici-bas

Le sombre accablement d’être en ne pensant pas.


Ils s’appellent vulgus, plebs, la tourbe, la foule.

Ils sont ce qui murmure, applaudit, siffle, coule,

Bat des mains, foule aux pieds, bâille, dit oui, dit non,

N’a jamais de figure et n’a jamais de nom ;

Troupeau qui va, revient, juge, absout, délibère,

Détruit, prêt à Marat comme prêt à Tibère,

Foule triste, joyeuse, habits dorés, bras nus,

Pêle-mêle, et poussée aux gouffres inconnus.

Ils sont les passants froids, sans but, sans nœud, sans âge ;

Le bas du genre humain qui s’écroule en nuage ;

Ceux qu’on ne connaît pas, ceux qu’on ne compte pas,

Ceux qui perdent les mots, les volontés, les pas.

L’ombre obscure autour d’eux se prolonge et recule ;

Ils n’ont du plein midi qu’un lointain crépuscule,


Car, jetant au hasard les cris, les voix, le bruit,

Ils errent près du bord sinistre de la nuit.


Quoi, ne point aimer ! suivre une morne carrière,

Sans un songe en avant, sans un deuil en arrière !

Quoi ! marcher devant soi sans savoir où l’on va !

Rire de Jupiter sans croire à Jéhova !

Regarder sans respect l’astre, la fleur, la femme !

Toujours vouloir le corps, ne jamais chercher l’âme !

Pour de vains résultats faire de vains efforts !

N’attendre rien d’en haut ! ciel ! oublier les morts !

Oh non, je ne suis point de ceux-là ! grands, prospères,

Fiers, puissants, ou cachés dans d’immondes repaires,

Je les fuis, et je crains leurs sentiers détestés ;

Et j’aimerais mieux être, ô fourmis des cités,

Tourbe, foule, hommes faux, cœurs morts, races déchues

Un arbre dans les bois qu’une âme en vos cohues !"


Paris, décembre 1848.


Victor Hugo, Les Châtiments, 1852.



Lisez-le, s'il vous plait; lisez-le je vous en prie.

Comme ces soignants, comme ce patient qui vit.


Comme la femme que j'aime et celles que j'ai aimées.

Ou du moins bien connues, et tant estimées.


Sinon...


"Quoi ! marcher devant soi sans savoir où l’on va !

Rire de Jupiter sans croire à Jéhova !

Regarder sans respect l’astre, la fleur, la femme !

Toujours vouloir le corps, ne jamais chercher l’âme "!


A quoi bon...?


Bises aux dames,

celle dont je cherche l'âme,

en premier.

Salut aux Messieurs, celui dont la devise reste "Croire et oser", en particulier.


Didier CODANI


A Nice, ce dimanche 19 février 2023,

à 20h23





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