31 juillet, milieu théorique de l'été en France et pic de la nonchalance dans les bureaux.
Et parfois la nonchalance devient de la négligence.

Le fait que cela arrive en été, saison des moissons, est un hasard; mais il est vrai que l'on ne récolte souvent que ce que l'on a semé. Pour ceux qui sèment le vent, c'est la tempête.
C'est donc l'histoire d'une tempête, mais je vous rassure; dans un verre d'eau.

J'aurais préféré un verre de bière, mais je ne bois pas en service et très peu hors service.
Juste une ce dimanche, pour lutter contre le réchauffement climatique avant de vous écrire.
Mes mots de ce milieu d'été sont donc pour une fois assez professionnels.
C'est rare.
Entre l'obligation de réserve et l'obligation de discrétion les occasions d'évoquer mon métier actuel (j'en ai eu plusieurs au cours de ma vie) sont peu fréquentes.
J'en parle un instant avec vous pour prendre note et date, dans un monde qui file vite.
Dans ce monde, de moins en moins de gens prennent le temps de s'arrêter, d'écouter, et parfois de répondre.
Rien ne paraît plus important que le dernier "like" à mettre, la dernière vidéo à regarder sans se tromper dans le sens du pouce bleu ou du petit cœur à attribuer.
Même nos dialogues deviennent virtuels, pour ne pas dire qu'ils n'existent plus, en réalité.
Mon métier actuel c'est l'audit interne d'un Office HLM que je ne nomme pas.
Plus précisément:
"Assurer et conseiller cette organisation, à la lumière de ses principaux objectifs, quant à la maîtrise de ses processus opérationnels, stratégiques et de gouvernance".
Pour celles et ceux qui se grattent la tête en se demandant de quoi je parle, j'ai mis un lien qui renvoie depuis les mots "audit interne" directement vers une définition sur Internet.
En d'autres termes plus courants, je suis là, avec un équipier, pour donner à mon Président et mon Directeur Général cette "assurance" que la maison ne part pas à la dérive au gré des inactions ou erreurs des uns ou des autres. Nous vérifions au mieux que les règles normales de fonctionnement sont respectées, et que chacun contribue à améliorer le fonctionnement, au lieu d'y passer des heures sans faire ce pour quoi nos locataires nous paient avec l'argent de leur loyer.
Contrairement aux légendes urbaines, le plus souvent (pour ne pas dire "tout le temps", ce qui serait trop optimiste) nous constatons que cela marche fort bien; même si c'est parfois avec un niveau d'enthousiasme variable dans l'implication des cadres et agents.
Dans leur très grande majorité, les gens font honnêtement leur travail.
Reste la petite, toute petite minorité, dont on se demande parfois s'ils ont conscience de toutes leurs obligations en plus de celle de venir travailler quelques heures par jour.
Parfois, des chiffres nous intriguent. Alors nous questionnons.
Souvent les réponses expliquent tout. Quand ce n'est pas le cas, nous cherchons à comprendre, a descendre au plus près, au plus bas, pour confronter la théorie et la pratique.
La théorie, c'est le pays où je souhaite prendre ma retraite; car en théorie tout va toujours très bien...
Quand la pratique n'est pas bonne, nous expliquons, et nous redonnons le droit chemin.
Très souvent encore, cela suffit sans qu'il soit besoin de transmettre un rapport évoquant des manquements.
Il faut bien dire aussi que les cas de bêtise sont bien plus fréquents que les cas de fraude organisée.
Au bout de la piste, pour les mauvais (car il y en a, partout) c'est par la voie disciplinaire, réservée à la hiérarchie qui en est seule compétente, que l'on fait suivre le message.
A la fin, avec ou sans sanction négative, on doit faire aussi un suivi.
Veiller à ce que les rapports ne restent pas lettre morte; que les grands serments pour échapper à la sanction négative ne soient pas des "promesses d'ivrogne".
Il n'y a rien de secret dans ce que je viens de vous écrire.
Toutes les grandes entreprises, toutes les administrations, ont des services de contrôle interne, c'est une nécessité absolue.
Donner une définition plus complète prendrait des heures de cours dans une Université. J'arrête donc là, car c'est juste pour poser le décor que je vous écris ces lignes sommaires.
Auditeur interne, responsable de projets, sont des métiers aux ingratitudes nombreuses et aux satisfactions rares.
Cet été, très discrètement, je viens d'avoir quelques-unes de ces satisfactions.
Inutile de me demander combien cela m'a rapporté, car ce n'est pas financier, c'est moral.
Seules les personnes qui ont à travailler avec moi s'y retrouveront, car naturellement je ne mentionnerai rien qui permette d'identifier; mais cela vaut bien une bière fraîche et le temps de vous écrire ces mots.
C'est la satisfaction que l'on a, au détour d'un courrier, de lire dans les demandes d'une administration partenaire les remerciements pour des réponses leur permettant d'avancer. Surtout d'avancer vite, d'avancer bien; de ne pas se faire tromper par des malveillants.
Une fois, deux fois, X fois...
Mais ce n'est pas eux qui nous paient, alors ce n'est qu'une question de réputation.
Ceci dit, Dieu sait qu'une réputation, c'est long à construire et rapide à démolir.
Ce fut aussi, récemment, un appel d'une locataire.
Appel au secours, pour des choses qui n'avancent pas assez vite.
Des choses qui pourtant étaient déjà vues, déjà traitées.
Un appel qui donc n'aurait pas dû ou pu exister... si chacun avait fait son travail.
C'est là que Nicolas BOILEAU (1636 - 1711), un grand auteur classique, prend sa place dans mon métier et dans mon esprit:
"Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez".
Je devrais être fâché, car celui qui est fautif a failli, apparemment.
Je ne le suis pas, après réflexion, car nous n’avons pas à le stigmatiser ou à le persécuter ; la mission de l’audit interne c’est juste de montrer où est la ligne jaune et le feu rouge.
L’arrêt au bord de la route, le PV à payer et le retrait du permis de conduire, ce n’est pas vraiment de mon ressort.
Alors je prie la locataire d'excuser le retard, et invite le défaillant à reprendre la bonne voie. La suite, nous la verrons calmement, contradictoirement, à la rentrée.
Quelque chose toutefois me trouble dans cet appel. Ce n'est pas la bonne procédure.
Je ne suis pas le bon interlocuteur de cette locataire, réglementairement.
Avant de raccrocher, par acquis de conscience je lui ai demandé : « Pourquoi est-ce que vous m’appelez » ?
Elle m’a répondu : « Vous êtes sérieux ; j’ai confiance en vous ».
« Vous êtes sérieux » c’est son opinion sur ma réputation. Même si c’est flatteur, rien ne dit, en toute modestie, que ce soit vrai... et ce n’est qu’un avis d’une personne pas forcément qualifiée pour le donner.
« J’ai confiance en vous » c’est très différent. Cela ne s’adresse plus à l’administration ou à la réputation de l’Office HLM mais à ma conscience professionnelle.
Nous sommes au service des locataires, cette personne paie une part de mon salaire; alors pour moi, avoir obtenu sa confiance, c’est important.
La confiance, ça se mérite.
Il est possible qu’un jour « J’ai confiance en vous » n’allume plus un éclair dans mes yeux, dans mon esprit.
Il est possible qu’un jour, le décompte de mes points de retraite prenne le dessus, même si j’en doute.
En attendant, ce « J’ai confiance en vous » est ce qui me motive le plus - en conscience - pour me lever et partir travailler le matin.

Je voulais vous en parler, vous l'écrire; en particulier à celles et ceux d'entre vous qui travaillent avec moi durant la semaine et me lisent le dimanche soir.
Cette confiance sincère d'une locataire me touche, mais en vérité je ne la mérite pas seul.
Je la mérite avec celles et ceux qui me font passer les dossiers, avec celles et ceux qui y travaillent avec moi, pour que le plus vite et le mieux possible chaque cas aboutisse positivement.
Assistantes, rédactrices, proches de la retraite ou venant d'arriver; chef d'agence, gestionnaire de patrimoine social; gardien d'immeuble, agent d'entretien...
Je serai malhonnête si je vous oubliais.
Une en particulier à qui je redis et écris:
"Merci pour avoir pris le temps d’écouter mon ressentiment.
Merci pour avoir fait plus que l’écouter, pour l’avoir compris et y avoir répondu.
Il y a les assistantes qui viennent faire des heures de présence ; et puis il y a celle qui sait répondre intelligemment même après ses heures terminées".
Seul je ne suis rien, ou du moins pas grand-chose.
C'est tous ensemble que nous avançons le mieux.
Pour la locataire qui nous paie.
Celle qui parfois sait dire: "J'ai confiance en vous" au milieu de l'été.
Ce sont mes mots de l'été; j'espère qu'il y en aura d'autres d'agréables avant l'automne.
Bises aux dames, et en particulier celles qui savent "réussir à sourire en serrant les dents",
Salut aux messieurs,
Didier CODANI
A Nice, ce dimanche 31 juillet 2022
Comentários