Il faut toujours être indulgent pour l'indigence des commentaires (les miens inclus) concernant la Corse, au lendemain d'une soirée électorale.
Même France-Info, qui pourtant travaille bien, nous inflige "la très faible participation" avec renvoi sur un article concernant... l'abstention à 66,1%... sur le continent.
Oui, sur le continent, les électeurs ont voté avec leurs pieds et ne se sont pas déplacés pour ces élections départementales et régionales.
En Corse, la participation est de plus de 57%. Ce qui est très différent, surtout en légitimité.
Ce n'est pas bien grave, on a l'habitude. Seul compte en France le résultat vu de Paris.
Sur les réseaux sociaux, les analyses se font "France entière".
Dieu sait que les résultats des élections départementales doivent intéresser les Corses, vu qu'en Corse elles n'existent plus.
En passant, il parait que ce sont les Corses qui sont passionnés par la politique de proximité, mais les conseils départementaux (impossibles à supprimer, sur le continent) y ont disparu. Et quand on questionne sur la toile pour savoir ce que l'on pense - sur le continent - des résultats en Corse par rapport au continent... J'ai eu comme réponse que la Corse n'est pas une région française, et que donc on ne peut pas comparer.
Passons.
Je n'insisterai pas sur le Rassemblement National à 4% en Corse, qui ne peut donc même pas fusionner pour le second tour; et celui qui est à ce jour le premier parti politique de la région Provence Alpes Côte d'Azur avec 36,38% des voix au premier tour. Ce ne doit pas être le même, ou peut-être vivons-nous sur des planètes différentes.
Nous ne manquons pourtant pas de commentateurs, de journalistes et spécialistes politiques aptes à parler de la Corse; seulement voilà: impossible de transcrire les résultats Corse dans le plan média imposé pour la prochaine présidentielle.
Pour toutes celles et ceux qui n'auraient pas suivi, je vous rappelle que le but du jeu c'est de vous faire voter "utile" afin d'arriver vaille que vaille à un "duel" entre le gentil, celui qui a les plus grands financiers et la presse mainstream pour le soutenir, et la méchante (ou le méchant) qui n'arrive au second tour que porté par une campagne sécuritaire ou xénophobe et que donc il faudra battre dans un combat électoral, arrangé aux règles connues de tous.
Dans ce contexte, il est évident que les élections en Corse, où l'on parle peu de sécurité (qui n'est ni une compétence régionale ni même - sur le continent - une compétence départementale) et encore moins d'invasion migratoire, intéressent pas les politologues.
En Corse on a parlé de gestion des déchets, pour les territoriales. Un vrai problème (largement exploité par des groupes criminels dans tous les pays du monde ou presque) qui existe aussi sur le continent. Problème cependant très loin derrière les thèmes à la mode sur le continent.
Que nous donne pourtant ce premier tour en Corse?
Un très bon score (à 29,19% il faut le reconnaître) du président sortant de l'exécutif.
Un très bon score dans l'addition des quatre listes dites "nationalistes".
Enfin, dans ces listes, plus de voix pour des autonomistes que pour des indépendantistes.
Ces derniers ayant tendance à reculer en pourcentage.
Dans les partis politiques installés sur le continent, un seul s'en sort, et s'en sort très bien, puisqu'il obtient un quart des suffrages exprimés à la 2e place de ce premier tour. Mais les autres c'est un peu la Bérézina. Par charité on évitera d'insister sur le rang (5,92%) de la majorité dite "présidentielle" dans cette élection; et on fera semblant SVP de croire à la fable suivant laquelle la Corse n'est pas une région française, et que donc on ne peut pas comparer.
On ne peut pas comparer.
L'arrogance, le déni, la suffisance des commentaires entendus sur le second tour continental à venir contrastent terriblement avec les commentaires entendus en Corse.
Sauf à Ajaccio, mais bon, c'est Ajaccio. Vous ne pouvez pas comprendre. Même nous parfois on n'y arrive pas. C'est spécial. C'est impérial. Ce qui en fait aussi le charme et la couleur.
J'ai tout de même noté, au fil de la soirée électorale, la modestie, voire l'honnêteté de la dernière des quatre listes nationalistes, qui sait dire que c'est un échec mais sans chercher des excuses sur le dos des autres. Il prennent la gifle, mais ils restent décents.
C'est vrai que ça tranche, dans un milieu où tout le monde veut gagner et n'accepte jamais ni défaite ni même simple revers.
Savoir se tenir face à l'adversité est là un art plus qu'un métier.
Commence maintenant le temps des tractations, des fusions éventuelles.
Dans le camp nationaliste Corse, il y a en fait plus de possibilités que juste un regroupement d'ensemble. Les indépendantistes pourraient vouloir tirer leur épingle du jeu et passer de la 3e et 4e place à la seconde. Seconde place actuelle qui est à la poignée de l'éventail, et qui peut se permettre aussi de discuter avec tous.
Juste pour sourire, on peut observer qu'il n'y a que les deux premiers du classement général de ce premier tour, à Bastia et à Ajaccio, qui devraient être un peu dans la sérénité.
Avec modestie pour l'un, avec moins de modestie pour l'autre. Mais la meilleure défense n'est-elle pas l'attaque?
Aucune bataille "droite/gauche". La gauche, en Corse, ce matin on la cherche.
Aucune bataille "Front républicain" contre "Rassemblement National" (4%).
Ce sera donc en Corse un second tour particulièrement intéressant.
Bien plus riche par la personnalité des adversaires et les thèmes qu'ils aborderont que par le prisme éculé Nationalistes / Clanistes.
Ce prisme là ne marche plus, pas plus que celui de l'en-deça / au-delà.
Je sais que je parle là un peu chinois pour le continent et le reste du monde; mais on parle des élections de chez nous avec nos mots.
Soyez déjà contents que l'article soit en français.
Cela j'y suis un peu obligé, car "l'affaire est en français".
Affaire à suivre...
Didier
ce 21 juin 2021
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